(Yarmouk 2012)

En décembre 2012, contre l’Armée syrienne libre, l’aviation du régime syrien  de Bachar el-Assad bombarde sur son propre territoire l’ancien camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, le plus vaste au monde, lieu symbolique de l’histoire d’un peuple, devenu, au fil du temps, une ville à part entière du gouvernorat de Damas.

Il n’en restera que ruines, prises dans les feux sans fin d’une guerre obscure, assiégées deux ans durant par les forces pro-gouvernementales avec ceux qui y demeuraient oubliés, puis peu ou prou abandonnées à l’État islamique.

Traversé d’images, de voix et d’archives, (Yarmouk 2012) tente d’écrire les ruines. Et parcourt ce chemin qui va du document à l’abstraction poétique.

 

 

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Tu n’as rien vu, tu songes : des milliards de particules, comme si l’air charriait les corps morts des cimetières nomades jusqu’à la mer semblable, le ciel sans vie, sans vent, l’air inerte que rien d’autre ne semblait vouloir troubler, la ville chancelant vers la fin du jour, la ville bientôt morte, retranchée, une théorie de ruines.

Car le temps malgré tout avait dû passer, altérant davantage ce qui déjà par accident l’était, les lieux,
la vie, toute chose détachée de ce qui la tient, toute chose rivée à l’abandon, les grands animaux
étonnamment fixes, stupides, leurs silhouettes voûtées, monstrueusement fragiles, la carcasse dépouillée des grands immeubles en ciment armé désormais semblables à de gigantesques fossiles, le temps sans nul doute avait passé sur la ville, devenue anormalement tellurique, hypogéenne dans la poussière des décombres qui recouvrait toute chose, isolant toute chose, la ville, assiégée par la poussière et la nue mêmes, coupée du monde.