Ceux qui vont par les étranges terres les étranges aventures quérant

“Ceux qui vont par les étranges terres / les étranges aventures quérant” parle des “Présents-absents”, réfugiés, Palestiniens, proscrits jetés au bagne ou dans les camps, ou ceux qui deviennent chair à canon, femmes violées, des esclaves ou des sdf...tous ceux, à travers l’histoire  que l’on oublie, ne voit pas, n’entend pas, que l’on tue, massacre. De courts paragraphes saisissants, pour restituer les gestes du bourreau, le regard de celui “qui va par les étranges terres”. Le titre, emprunté à Chrétien de Troyes qui nommait ainsi les chevaliers qui s’engageaient dans la quête du Graal, fait de tous ces “laisser pour compte” les chevaliers d’une épopée moderne, leur redonnant noblesse et grandeur.

«Ceux qui vont par les étranges terres / les étranges aventures quérant», dès le titre, ce texte opère un basculement passionnant, car il donne aux réfugiés et à ceux maltraités par l’histoire le statut de Chevalier de la Table ronde, retour aussi sur les prémisses de la littérature française. Succession de paragraphes courts dans lesquels noms, adjectifs sont jetés et se juxtaposent, les verbes sont souvent absent  ou alors se succédent dans un flux qui rend l’urgence, l’essoufflement. Le mouvement devient langue dans un flux langagier et un flux d’affects, un flux du monde, le temps s’accélère, se brouille, se mélange. 

 

14 euros


 

N’imagine, la vie si diverse, les errants avisés, les poursuivis tenaces, les contrôlés rogneux, avec leurs mots furieux, l’ombre de leurs mots, l’ombre de leurs gestes, les enfants de Deligny, carcasses.

     Ceux d’ailleurs et travers. Ceux du bord, d’abords étranges, de rives d’échos, errants dans des barques déviées. Les vagabonds. N’imagine, déserteurs de clans, ce qu’on sauve à partir, fouteurs de vie en l’air, veilleurs d’alertes. Qui s’arrachent. Arrachent. À tout bout de champ la guerre. Rayés de la carte. Mais les vrais noms ne sont pas sur les cartes. Et les bateaux quittent vraiment les quais. D’aucuns jamais ne reviennent jamais. Péris. En mer, en désespoir, en vie, sans soin. Péris pour la fortune, enfants. Tranchées métamorphoses il n’y a rien qui vaille. Fond  conteneurs, boues des cales, asphyxiés, noyés, foutus, mourus. D’aucuns on ne sait jamais plus rien. Disparus, effacés, ou dansant à reculons. Ou sous le galop d’un cheval siècle devenu fou. Fou cavalier aux désirs fous.

          Par les étranges terres, les étranges aventures quérant, en langues de hautes erres.